INVITATION AU VOYAGE
Elles sont belles et dignes, les femmes de la tribu des Ouled-Naïls, elles brillent comme des soleils dans leurs costumes ornés d’or et d’argent, elles invitent au rêve et au voyage, dans le sillage de leurs parfums capiteux et de leurs chevelures noires comme le coeur de la nuit. Comment ne pas entendre les chants d’amour des prostituées, comment ne pas aimer les jeunes filles en fleurs, aux courbes sensuelles comme des dunes de sable, aux regards profonds, aux voiles translucides, qui invitent au voyage vers les horizons du désir ?
Elles sont les oasis du désert chaud des villes orientales, au moment où, dans les rues aveuglées de lumière, les hommes se croisent et attendent, au seuil des plaisirs rêvés. Mais quand on soulève le voile des rêves, quand on franchit la porte des maisons d’amour, on voit aussi la vérité poignante des femmes lasses et alanguies, harassées par les passes, le kif et l’alcool.
Le temps s’écoule, lent et exquis, comme la fumée enivrante d’un narguilé, nous voici plongés dans un Orient rêvé et sublimé dont les mirages inspirèrent tant de peintres, de photographes et d’écrivains, d’Ingres à Flaubert, de Delacroix à Pierre Loti, de Fromentin à Gide. La beauté des corps s’offre aux regards et invite au geste tendre, à « frôler les étoffes et les dentelles, caresser des yeux les peaux voilées, le regard souligné de khôl. »*
La photographie fige les nuages des sens, les mirages du désir, le fondu-enchaîné des regards et des gestes, la poésie du langage des corps, envoûtante, inoubliable, éveillant la mémoire des amours d’un autre temps.
Feuilleter ce Voyage amoureux, ami lecteur, c’est revenir vers l’Orient d’autrefois qui ne finira jamais de hanter les imaginaires d’aujourd’hui, au coeur des médinas du rêve, au pays des désirs et des plaisirs qui fleurissent autour des filles de joie.
Nicole Canet
* Christelle Taraud, Mauresques. Album de photos anciennes : Femmes orientales dans la photographie coloniale 1860-1910 (collections Roger-Viollet), Paris, Albin Michel, 2003.
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