samedi 6 février 2010

L'âge d'or des maisons closes ressuscité par une archéologue de l'érotisme



Jean-François GUYOT (AFP) - 3 nov 2009

PARIS — Le monde disparu des maisons closes abolies en 1946 par la loi Marthe Richard, revit à l'occasion d'une étonnante exposition, à Paris, à l'initiative de la galeriste et éditrice Nicole Canet, "archéologue" de l'érotisme et spécialiste de la photographie ancienne licencieuse.
Jusqu'au 31 janvier, quelque 400 photographies rares signées Doisneau ou Brassaï, mais aussi des gravures, dessins et objets très singuliers, plonge le visiteur dans une visite des plus célèbres "bordels" de Paris et de province.
Cette rétrospective, la première du genre, concerne toutefois des maisons closes idéalisées, élégantes, fréquentées par la bonne société.
Pendant des décennies, nombre de rois et chefs de l'Etat de passage à Paris y consacraient quelques heures notées dans leur agenda sous la rubrique "Visite au président du Sénat". Des stars du cinéma comme Cary Grant, Humphrey Bogart, Mae West et Marlene Dietrich comptaient aussi parmi les habitués.
La petite galerie "Au bonheur du jour" qui exhume un siècle de tolérance et d'amour tarifé, de 1860 à 1946, est située juste en face de l'un de ces anciens hauts-lieux parisiens, le "12 rue Chabanais", claque fréquenté notamment par le Prince de Galles, futur Edouard VII, qui y fait installer un "fauteuil d'amour" à trois places.
Aux antipodes des lupanars d'abattage aux conditions sordides -justification première de l'abolition-, les maisons closes d'exception étaient conçues comme des hôtels de luxe, aux somptueux décors, offrant des ambiances raffinées et exotiques censées faire voyager les clients de l'Inde au Japon, de la Chine à Venise.
"Hauts-lieux du Paris de la Belle Epoque et des Années Folles, ces univers de volupté et de mondanités, reflétaient un art de vivre nourri de tous les désirs et de toutes les excentricités", explique Nicole Canet qui a rassemblé aussi ses trésors dans un beau livre.
"Entrouvrir ces portes m'ont permis de réveiller un monde oublié de bulles de champagne et de chassés-croisés des filles et de leurs clients, sous l'oeil de la chorégraphe qu'était la tenancière", dit-elle.
Parmi des reliques inattendues, la cravache de Flora, célèbre "fille" du "One Two Two", rue de Provence, qu'elle dissimulait dans une canne à pommeau d'ivoire, est l'une des pièces maîtresses de l'exposition.
Des heurtoirs de portes en forme de phallus, des jetons frappés aux armes des "maisons" qui servaient de paiement entre clients et prostituées, et une rare visionneuse de plaques photographiques datant de 1890 permettant de choisir une partenaire, sont également présentés.
Chaque établissement avait ses "spécialités". Paris comptait aussi des maisons closes pour homosexuels, dont la plus célèbre fut "l'Hôtel Marigny", près de l'Opéra, inauguré en 1917. Sous un prête-nom, Marcel Proust comptait parmi les principaux investisseurs et habitués.
En 1946, à la veille de l'abolition, la France comptait 1.500 lupanars, dont 177 à Paris. "En France, après la Loi Marthe Richard, la prostitution s'est reconstituée rapidement. La fermeture des maisons closes n'aura rien changé, seulement satisfait les abolitionnistes et les bien pensants", juge Nicole Canet.
Après l'exposition de la rue Chabanais, l'âge d'or des maisons closes fera l'objet d'une série-fleuve de Canal+, en huit épisodes de 52 minutes, actuellement en tournage.
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